REPORTAGES

Aventures illustrées

Témoignage de Marie-Thérèse B., présidente du GEM’Activ Colomiers

5 Nov 2014

Dans une autre vie, (c’est mon expression préférée), j’étais pharmacien dans un laboratoire industriel, département recherche ; divorcée depuis longtemps, j’ai élevé trois enfants tout en gérant le travail, la maisonnée, les scolarités, les vacances, bref tout ce qu’une femme en forme fait au quotidien………mais, la fatigue insidieuse a fait qu’un dimanche ensoleillé, en compagnie de ma benjamine et de ma mère, j’ai été distraite : sur une route inconnue, nous nous rendions à une invitation et j’ai manqué un carrefour ; tentant un demi-tour pour récupérer notre chemin, j’ai été percutée par un motard.

Résultat : coma immédiat, réveil lent et angoissant dans un lit d’hôpital, perte totale de la mémoire, hémiplégie traumatique droite bras et jambe, fractures multiples que je découvrirai petit à petit. Je sus plus tard que ma fille aînée, 23ans, en fin d’études de droit, avait pris le contrôle, en ayant par chance un contact avec l’AFTC MP qui lui donne les coordonnées d’un médecin conseil et d’un avocat spécialisé dans la réparation du préjudice corporel.

C’était il y a quinze ans maintenant : depuis, je n’ai plus travaillé ; j’ai fait de la rééducation à l’hôpital, en libéral et par moi-même ; je me suis fait aider à la maison, au début chaque jour (personnel, infirmière) puis une demi-journée par semaine à présent ; quatre ans plus tard, j’ai pu régulariser mon permis de conduire et me déplacer avec un véhicule à boîte automatique ; mes enfants ont quitté le domicile les uns après les autres ; seule avec mon chien, j’ai commencé à penser que je ne devais pas rester isolée avec mes angoisses, mes lenteurs, mes handicaps résiduels.

J’ai téléphoné au bureau de l’AFTC MP puis j’ai pris une adhésion, en tant que victime et famille tout à la fois ! C’est ainsi que j’ai noué des contacts avec les autres blessés. A cette époque, l’AFTC MP commençait à organiser un GEM : j’ai participé aux premières activités. La Présidente de l’époque souhaitant arrêter sa mission, j’ai été propulsée nouvelle Présidente ! L’ARS nous incitait à trouver un local indépendant : c’est ainsi que je me suis lancée véritablement : j’ai trouvé un local, j’ai organisé son aménagement, j’ai embauché des salariés, et nous avons continué à développer les activités, avec l’aide du vice-président et de bénévoles : j’aime cet investissement, il m’a permis de revivre. Et certainement de mieux comprendre la souffrance de mes enfants et celle de mes pairs.

C’est ainsi, en réponse aux questions étonnées de mes proches, que je réponds « ces traumas crâniens, c’est aussi ma famille, je les comprends, j’ai vécu la même chose, je vis moi-aussi ma deuxième vie et il faut qu’elle soit aussi intéressante que possible». C’est un parcours difficile que d’entrer dans le monde du handicap, très éprouvant pour soi-même et pour sa famille ; peut-être fait-il de vous une meilleure personne ou tout au moins une personne plus humaine, et sans doute plus tolérante, mais en même temps plus combative : notre société commence à peine à prendre en compte tous ses membres, y compris les « différents » !